Le 24 septembre dernier se tenait la 3ème édition des journées Europass organisées par l’Agence ERASMUS+. Centrée sur la question des soft skills, elle a réuni près de 100 participants issus d’horizons variés.
Sarah Maire a introduit la journée par une communication sur le thème : « Compétences transversales, soft skills… Pourquoi s’y intéresse-t-on ? Comment définir et valoriser ces compétences dans une logique d’employabilité ? ».
Elle partage ici son retour d’expérience et les réflexions que lui ont inspiré cette journée.
J’ai eu le plaisir d’y partager les enseignements de ma thèse et de présenter les outils de valorisation et d’évaluation des soft skills que nous expérimentons au SociaLab. La diversité des regards et la complémentarité des expériences a considérablement enrichi les échanges de cette journée au sein de plusieurs tables rondes et ateliers.
Ce qui m’a frappé au premier regard, c’est la diversité des acteurs réunis. Sont en effet rarement rassemblés dans une même salle des représentants de l’enseignement supérieur, des praticiens de la formation professionnelle, des acteurs des politiques d’insertion et d’emploi, des professionnels du recrutement, des experts… Acteurs de l’éducation et de l’emploi, politiques publiques et pratiques privées : l’Agence ERSAMUS+ a permis de réunir des « mondes » évoluant encore souvent de manière parallèle, mais dont on constate chaque jour un peu plus le rapprochement.
L’objet même des soft skills y invite : développées tout au long de la vie, ces compétences transversales sont utiles à l’individu dès sa scolarité, puis tout au long de son parcours d’orientation et de formation. Elles s’avèrent cruciales lors des premiers pas dans le monde professionnel. La participation active de l’ensemble de ces acteurs témoigne à elle seule de l’acuité du sujet des soft skills dans une variété de contextes et d’enjeux.
Un constat a été collectivement exprimé : ces compétences sont aujourd’hui de plus en plus importantes dans l’accès à l’emploi et conditionnent, pour les moins qualifiés comme les plus diplômés, la capacité de chacun à se construire un parcours professionnel épanouissant. De manière à favoriser au maximum l’employabilité et la mobilité – qu’elle soit sociale ou professionnelle –, ces compétences ont donc vocation à être renforcées, mais aussi correctement identifiées. L’ambition de cette journée d’étude et d’échanges était précisément leur meilleure connaissance et leur valorisation.
Plus précisément, les participants étaient réunis autour deux principaux objectifs qui ont structuré cette journée :
– Mieux comprendre et conceptualiser ce que sont ces compétences soft ;
– Partager nos connaissances et expériences d’outils pour les repérer et les valoriser dans des contextes pluriels : les études, les politiques publiques d’insertion, la formation professionnelle continue, les procédures de recrutement des entreprises…
Mon exposé, en introduction générale de la journée, m’a permis de partager les principaux enseignements de ma thèse et de notre pratique évaluative quotidienne de consultants-chercheurs au SociaLab.
La question de la définition et de l’évaluation des soft skills est en effet complexe :
– D’une part, il n’existe pas une définition « officielle » ni unifiée de ces soft skills. En fonction du contexte (éducation primaire et secondaire, enseignement supérieur, insertion, RH…), les acteurs les abordent avec un regard, et dans un but, différents. Toutefois, c’est leur qualité de compétences « transversales », développables par tous dans une variété de contextes et leur importance dans tout processus d’apprentissage, qui amène les différents acteurs à y investir.
– D’autre part, il n’existe pas non plus de « bonne méthode » pour évaluer ces compétences. L’important est que chaque outil d’évaluation élaboré s’inscrive « au concret » dans son contexte d’utilisation (accompagnement social, éducatif, professionnel) et qu’il s’ancre dans les pratiques des professionnels concernés – et des individus eux-mêmes. Tant de référentiels de compétences et autres « portfolio » ne prennent pas vie par défaut d’appropriation ! En un mot, l’enjeu premier de ces outils est de « trouver usage ».
– Par ailleurs, l’enjeu est aussi que ces outils d’évaluation – et d’autoévaluation – puissent aider les individus à « conscientiser » leurs propres compétences. Ils doivent accompagner cette forme d’empowerment en renforçant la capacité du jeune ou du demandeur d’emploi à verbaliser ses compétences et à y prendre appui pour construire sa réflexion professionnelle et sa stratégie d’insertion.
– Enfin, ces compétences étant souvent qualifiées de « subjectives », comparativement aux compétences techniques plus aisément objectivables, tout l’enjeu est de passer du déclaratif à la preuve renseignée (expériences, tests…). En effet, pour être utiles aux candidats à l’emploi et aux employeurs, ces outils doivent être jugés légitimes par ces derniers, qui sont les destinataires finaux de ces informations sur les soft skillspossédées par les candidats. Nous avons ainsi pu partager notre conviction que les outils d’auto-positionnement ne suffisent pas, et qu’il est nécessaire de travailler à apporter des formes de « preuve » ou d’argumentation.
Ces sujets ont été approfondis et rendus concrets tout au long de la journée. Les enjeux de validation et de certification des compétences ont été discutés, en particulier le défi technique de l’« interopérabilité » des outils, c’est-à-dire leur capacité à permettre la transposition des informations personnelles produites dans les systèmes d’information des autres acteurs. Bien entendu, l’idéal vers lequel tendre à l’avenir est celui d’un outil unique, partagé par l’ensemble des institutions traversées par l’individu : l’« école », les établissements d’enseignement supérieur, les structures d’aide à l’insertion, les opérateurs de formation professionnelle, les employeurs… dans une logique de construction de parcours.
Les expériences présentées ont pour objectif de relever ces défis. Nous retenons notamment :
– La démarche européenne RECTEC, qui vise à objectiver les compétences transversales et propose une « carte » détaillée des compétences, avec des paliers d’acquisition, qui peut être adaptée aux différentes situations professionnelles et à la diversité des profils de candidats.
– Le projet PEC, mené par un collectif de 35 établissements d’enseignement supérieur, qui a permis d’élaborer un portefeuille commun de compétences. Sous la forme d’une plateforme numérique, il vise à aider les étudiants à réaliser leur bilan de compétences mais aussi à faire le point sur leurs motivations et aspirations, pour mieux construire leur démarche d’emploi.
– Les outils développés par le cabinet d’aide au recrutement AssessFirst qui, via des tests psychométriques, propose aux entreprises de mieux connaître les candidats sur des aspects jugés essentiels (capacités cognitives, motivation, personnalité). Cet outil fournit une vision de l’adéquation de chaque candidat au poste à pourvoir de sorte à guider la sélection et à orienter l’entretien d’embauche (points forts, points de vigilance, affinités avec le reste de l’équipe… ).
L’objectif des organisateurs de la journée était enfin de faire connaître la démarche initiée par l’Union européenne sur le sujet à travers le vaste projet Europass, dans la lignée du Cadre européen de compétences. Créé il y a plusieurs années, le projet englobe l’ensemble des questions évoquées dans un ambitieux projet qui inclut des outils numériques d’auto-évaluation des compétences transversales et des prototypes de certifications et titres. Il s’appuie par ailleurs sur une démarche continue de recherche-action qui implique un groupe d’experts européens.
En dehors du système d’intervention et des enjeux spécifiques observés au niveau national, la valorisation des soft skills demeure en effet un enjeu européen dont s’est très tôt emparée l’Union européenne. Par le biais d’Erasmus+ et des nombreux projets financés par la Commission européenne (stratégie jeunesse, politique d’investissement dans les compétences, formation tout au long de la vie…), l’Europe constitue ainsi un puissant aiguillon dans cette dynamique de reconnaissance et de valorisation des compétences transversales.
La maturité des réflexions menées lors des journées, la qualité des démarches actuellement expérimentées et le fort engagement de l’ensemble des acteurs réunis sous l’égide d’Erasmus+ témoignent d’un « chantier soft skills » aujourd’hui particulièrement porteur. Un chantier tout particulièrement ciblé, et investi, dans le cadre de l’actuel Plan d’investissement dans les compétences (PIC) et ses programmes d’expérimentation. A la clé, des perspectives prometteuses non seulement pour l’employabilité des personnes, mais aussi plus largement en termes d’inclusion et d’égalité des chances.
C’est ce à quoi nous travaillons chaque jour dans le cadre de nos différentes activités et missions au SociaLab.
>> Consulter la vidéo de l’événement (durée 3 min) : https://lnkd.in/ddUCT4V
>> Le programme de la journée : www.agence-erasmus.fr/docs/agenda/505_programme.pdf