Notre société actuelle est marquée par de nouvelles valeurs, mêlant capacité à entreprendre et apprentissage tout au long de la vie. En France, de nombreux dispositifs scolaires et périscolaires innovants se développent, notamment soutenus dans le cadre de programmes tels La France s’engage ou les Programmes d’investissement d’avenir, qui ont précisément pour but de renouveler les formes d’action éducative et de jeunesse en mobilisant la société civile.
Prenant des formes variées, ces projets sont pour beaucoup axés sur le développement de compétences transversales et sociales (soft skills), telles que l’autonomie, la créativité, la confiance en soi, la coopération et l’esprit d’entreprendre. Il s’agit de « mettre l’élève en projet » et de favoriser chez lui la capacité à devenir acteur de son parcours, bien au-delà des frontières spatiales et temporelles de l’école. Ces projets donnent lieu à des démarches variées : éducation par la recherche, approches pédagogiques ludiques ou manipulatoires, design thinking au sein de la classe, par exemple.
En France où l’école a historiquement été forgée comme un lieu d’instruction et d’intégration sociopolitique, des résistances parfois fortes sont exprimées à l’encontre de cette tendance. Elles émanent de certains acteurs scolaires, mais aussi de chercheurs, qui voient dans cette promotion de l’esprit d’entreprendre une volonté d’acculturation à des savoirs-êtres et codes sociaux afin de le rendre adapté au monde de l’entreprise. Le développement de ces activités au sein de l’école est ainsi jugé inopportun, notamment à l’école primaire, concentrée sur les fameux apprentissages fondamentaux.
Nous proposons de reconsidérer le lien entre ces compétences soft et la réussite scolaire dans la mesure où, loin de s’opposer, elles s’alimentent. En effet, ces diverses compétences soft, qui sont inégalement détenues par les élèves, sont nécessaires pour s’engager et réussir à l’école. Il est question ici de l’esprit d’initiative de la confiance en soi, de la persévérance, la créativité et du « grit », pour reprendre le terme proposé par la psychologue Angela Dukworth (ténacité, détermination). La détention de ces compétences est déterminante dans les situations d’apprentissage, scolaire ou autre, et dans la construction du parcours de vie de l’enfant. Elles permettent une autodétermination, c’est-à-dire une capacité à trouver du sens dans l’acte d’apprentissage, à se projeter dans une trajectoire et à y « réussir ».
C’est ce que nous examinons dans notre récent article paru dans la revue Formation-Emploi, références scientifiques et analyses de dispositifs à l’appui (Sarah Maire & Stéphanie Morel, n°140, octobre-décembre 2017). Notre contribution ? Le concept d’entreprenance, qui permet de sortir de l’opposition entre :
- Une conception de l’esprit d’entreprendre qui met l’accent sur l’acte entrepreneurial et l’appétence pour une carrière, notamment dans l’entreprise ;
- Une vision plus large des compétences sociales et transversales qui concernent le développement de l’individu et sont utiles à tout objectif d’apprenance.
L’entreprenance est centrale à l’école primaire, justement parce qu’elle est le moment de fixation des savoirs de base et de l’émergence chez l’enfant d’un « apprendre à apprendre » !
Regardons les Savanturiers, Bâtisseurs de possibles, le Coup de Pouce Lecture-Ecriture-Mathématiques : ces dispositifs permettent d’équiper les enfants de compétences soft et d’attitudes persévérantes et confiantes face aux apprentissages, d’y exprimer leur individualité, de trouver du sens dans leur scolarité et de booster leur engagement scolaire…
La notion d’entreprenance permet de qualifier cette dynamique apprenante et entreprenante. Elle met l’accent sur l’importance des motivations intrinsèques de l’individu dans sa capacité à s’engager, à progresser et à réussir. Elle permet de considérer autrement l’école, ses objectifs de formation initiale et sa capacité à emmener le plus d’élèves possibles vers les réussites. C’est dans cette direction qu’il faut aujourd’hui, selon nous, penser et accompagner la transformation des politiques éducatives.
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